Micheline Lapalme, Ph. D.
LE TROUBLE PANIQUE ET LE TROUBLE OBSESSIONNEL-COMPULSIF
Le trouble panique et le trouble obsessionnel-compulsif sont tous les deux des troubles de la catégorie des troubles anxieux. La prévalence à vie pour l’ensemble des troubles anxieux varie de 10% à 25% selon les études. Même si ces troubles sont moins connus du grand public, ils affectent plus d’individus que le sida, les accidents cérébraux-vasculaires ou l’épilepsie !
Que sait-on sur le trouble panique ?
Le trouble panique est un trouble anxieux relativement prévalent (environ 4.5%). Il affecte de 2 à 3 fois plus de femmes que d’hommes et survient généralement vers la fin de l’adolescence et à la mi-trentaine. Le trouble panique se caractérise par la survenue soudaine et inattendue d’attaques de panique au cours desquelles l’individu ressent une grande frayeur accompagnée de symptômes physiques intenses (palpitations cardiaques, sudation, souffle coupé, tremblements, etc.). Les symptômes physiques vécus lors de l’attaque de panique atteignent une amplitude maximale dans les 10 premières minutes et sont souvent décrits comme étant similaires aux symptômes d’une crise cardiaque et sont responsables chaque année d’un nombre important de visites à l’urgence.
Le tiers à la moitié des personnes aux prises avec un trouble panique développent aussi des comportements d'évitement qui limitent de plus en plus leur capacité de fonctionner normalement. Selon le degré de l’évitement phobique, le trouble panique sera classifié de trouble panique avec ou sans agoraphobie. On retrouve également des personnes qui souffrent d’agoraphobie, mais qui n’ont jamais eu d’attaques de panique proprement dites. On parlera dans ce cas d’agoraphobie sans antécédents de trouble panique. Il est à noter toutefois que plus de 95% de tous les individus souffrant d’agoraphobie présentent un trouble panique ou en ont déjà souffert.
Comme un problème arrive rarement seul, la cooccurrence (aussi appelée comorbidité) du trouble panique avec d’autres troubles anxieux est courante. En effet, de 15% à 30% des individus ayant un trouble panique présentent aussi un trouble d’anxiété sociale, 25% un trouble d’anxiété généralisée, de 10% à 20% des phobies spécifiques, et de 8% à 10% un trouble obsessionnel-compulsif. Les troubles de l’humeur demeurent néanmoins les troubles comorbides les plus fréquents avec des taux variant entre 50% et 65%. Dans un tiers des cas, la dépression précéderait le début du trouble panique alors que pour le reste des cas elle surviendrait simultanément, ou plus fréquemment, après le début du trouble panique. La souffrance des personnes aux prises avec un trouble panique est telle que celles-ci ont un risque de suicide et de tentatives de suicide 10 fois plus élevé que la population en général. Ces personnes sont également à haut risque pour les troubles liés aux substances psycho-actives (p.ex., alcool, médicaments) dont elles font usage pour tenter de « contrôler » leur anxiété.
Quelles sont les causes du trouble panique ?
Il n’y a pas de cause unique pouvant expliquer le développement du trouble panique ou de tout autre trouble anxieux. Ces troubles sont le résultat d’un ensemble de facteurs et la combinaison de ces facteurs varie d’une personne à l’autre. Ces facteurs sont d’ordre biologique, génétique et environnemental.
Les mécanismes biologiques susceptibles d’expliquer le trouble panique mettent en cause une interaction complexe entre divers systèmes de neurotransmetteurs tels que la sérotonine, la norépinéphrine et la dopamine, lesquels sont connus pour leur rôle dans la réponse du corps humain au stress. L’activation du système nerveux sympathique serait pour sa part à la base des symptômes tels que l’élévation du rythme cardiaque et de la pression sanguine, les tremblements, les palpitations, la transpiration, la respiration coupée, le vertige et les engourdissements.
Du côté des facteurs génétiques, les études de familles indiquent que le risque de présenter le trouble panique est de 3 à 7 fois plus élevé parmi la parenté au premier degré d’une personne atteinte de ce trouble, et de 2 à 4 fois plus élevés parmi la parenté au second degré. Les études de jumeaux confirment également le caractère héréditaire du trouble panique et indiquent que l’héritabilité de ce trouble se situe autour de 40%. Bien que la nature familiale du trouble panique soit bien documentée, il n’existe pas à ce jour d’études concluantes quant au mode de transmission génétique impliqué et quant aux gènes qui confèrent une susceptibilité au trouble panique. Certaines études suggèrent par ailleurs que le facteur héréditaire contribue de façon similaire au développement du trouble panique chez les hommes et les femmes, mais que ce trouble serait plus prévalent chez les femmes en raison de facteurs socioculturels qui encourageraient davantage l’utilisation de stratégies d’adaptation d’évitement chez les femmes que chez les hommes. D’autres facteurs environnementaux ont également été mis en cause dans le développement du trouble panique (stresseurs familiaux, style de vie, consommation de caféine, etc.).
Qu’en est-il du trouble obsessionnel-compulsif ?
Le trouble obsessionnel-compulsif, tout comme le trouble panique, appartient à la catégorie des troubles anxieux. Celui-ci est moins prévalent que le trouble panique (1.5% à 3%), affecte autant d’hommes que de femmes, et débute généralement à l’adolescence bien qu’une survenue à l’enfance ne soit pas rare. Le trouble obsessionnel-compulsif se caractérise par la présence d’obsessions et de compulsions. Les obsessions sont des pensées, idées ou représentations mentales qui sont récurrentes, persistantes et indésirables et qui entraînent de la détresse, de l’anxiété ou du dégoût. Il ne s’agit pas ici de préoccupations excessives concernant les problèmes de la vie courante, mais bien de pensées qui font intrusion dans la conscience de l’individu contre sa volonté. Les obsessions les plus fréquentes sont les obsessions:
- De contamination : préoccupation excessive ou dégoût liés aux microbes, aux déchets, à la saleté, aux sécrétions corporelles, aux produits chimiques ;
- À caractère agressif : peur de se blesser ou de blesser quelqu’un par négligence, peur de perdre le contrôle de ses pulsions violentes ;
- À caractère sexuel : pensées perverses, représentations mentales et scénarios envahissants dont le contenu est lié à l’inceste, la pédophilie, l’homosexualité ou autre pratiques sexuelles ;
- À caractère religieux : préoccupation excessive pour la morale, le blasphème, les sacrilèges, etc.
La personne tente généralement d’ignorer ses obsessions ou de les neutraliser par d’autres pensées ou actions ce pour quoi celles-ci sont souvent accompagnées de compulsions. Les compulsions sont des comportements répétitifs ou ritualisés, ou des actes mentaux (comme compter) que la personne se sent obligée de faire en réponse à l’obsession ou selon certaines règles très strictes. Les comportements ou les actes mentaux sont destinés à neutraliser ou à diminuer le sentiment de détresse engendré par l’obsession ou à empêcher un événement ou une situation redoutée de se produire. Les compulsions n’ont pas de lien réaliste avec les obsessions qu’elles visent à neutraliser ou à prévenir, ou elles sont manifestement excessives. Les compulsions les plus fréquentes sont les compulsions de :
- Nettoyage : se laver les mains, le corps ou son environnement ;
- Répétition : répéter un nom, une phrase, un geste ou un comportement ;
- Vérification : vérifier le four, les portes, qu’on n’a pas blessé ou écrasé quelqu’un ;
- Exactitude, ordre et symétrie : compléter dans un ordre précis, ou exécuter à la perfection une tâche impliquant une série de gestes (faire la vaisselle, se vêtir, se rendre au travail), classer, ranger ou placer des choses à la perfection par ordre de grandeur, en fonction des couleurs ou des formes ;
- Accumulation (« hoarding ») : collectionner des articles inutiles et sans valeur (p. ex., journaux, bouteilles vides, etc.);
- Comptage : tout ce qui implique le fait de compter (des chiffres, des lettres, des objets).
Dans les cas plus sévères, la répétition constante des rituels occupe la majeure partie de la journée, rendant par le fait même l’exécution de simples tâches quotidiennes presque impossible. Dans plusieurs cas, le trouble obsessionnel-compulsif envahit la vie des personnes qui en souffrent au point où celles-ci sont incapables de travailler et d’avoir une vie familiale et sociale satisfaisante. Selon certaines études, les personnes souffrant d’un trouble obsessionnel-compulsif auraient une qualité de vie plus pauvre que les personnes souffrant de dépendance à l’héroïne. En plus d’être aux prises avec ces rituels envahissants, les personnes atteintes du trouble obsessionnel-compulsif souffrent énormément du fait qu’elles savent que leurs obsessions et compulsions sont insensées. Elles en éprouvent de la honte et tentent de dissimuler leur condition à leur entourage de sorte qu’il peut souvent s’écouler plusieurs années avant que l’entourage ne s’en aperçoive et encourage la personne à consulter.
Comme pour le trouble panique, la cooccurrence du trouble obsessionnel-compulsif avec un autre trouble psychiatrique est élevée. Les taux de cooccurrence entre le trouble obsessionnel-compulsif et la dépression sont de 24% à 55%, de 23% à 40% pour la phobie sociale, autour de 20% pour les phobies spécifiques et l’anxiété généralisée, et entre 10% et 15% pour la dysthymie, le trouble panique, les troubles de l’alimentation, et l’abus d’alcool. La comorbidité entre le trouble obsessionnel-compulsif et le syndrome de Gilles de la Tourette (5% à 10%) et autres troubles caractérisés par des tics (20%) est fréquente. D’autres études ont indiqué que l’hypocondrie, la trichotillomanie, la cleptomanie, le jeu et le magasinage compulsif, et certains comportements d’automutilation seraient présents chez plus de 50% des personnes atteintes du trouble obsessionnel-compulsif.
Quelles sont les causes du trouble obsessionnel compulsif ?
Les mécanismes biologiques susceptibles d’être impliqués dans le trouble obsessionnel-compulsif mettent aussi en cause les systèmes de neurotransmission de la sérotonine et de la norépinéphrine. Certaines études par exemple, suggèrent qu’un dérèglement dans la transmission sérotoninergique au niveau du système nerveux central joue un rôle majeur dans le développement du trouble obsessionnel-compulsif. D’autres études suggèrent plutôt qu’une hyperactivité du cortex frontal et des fonctions noradrénergiques serait à l’origine des symptômes caractéristiques du trouble obsessionnel-compulsif.
Comme pour le trouble panique, le caractère héréditaire du trouble obsessionnel-compulsif a été clairement établi. La spécificité familiale du trouble obsessionnel-compulsif serait d’ailleurs plus forte que pour les autres troubles anxieux. Les études de familles démontrent que le trouble obsessionnel-compulsif est de 5 à 10 fois plus élevé dans la parenté au premier degré des personnes atteintes de ce trouble que parmi la parenté au premier degré des personnes qui en sont exemptes. Certaines études de familles suggèrent également la présence de facteurs génétiques communs entre le trouble obsessionnel-compulsif et le syndrome de Gilles de la Tourette. La relation entre ces deux troubles demeure cependant obscure. Peu d’études de jumeaux rigoureuses ont été effectuées sur le trouble obsessionnel compulsif. Celles-ci supportent néanmoins l’implication des facteurs génétiques dans le développement du trouble obsessionnel compulsif. Encore une fois, et bien que la contribution des facteurs génétiques ne puisse être mise en doute, ni le mode de transmission, ni les gènes de susceptibilité au trouble obsessionnel-compulsif n’ont pu être identifiés.
En résumé, il reste beaucoup à faire pour comprendre les causes qui conduisent au développement du trouble panique et du trouble obsessionnel-compulsif. Heureusement, il n’est pas nécessaire de tout comprendre pour s’en débarrasser ! En effet, il faut savoir que peu importe les causes qui vous ont amené à développer un trouble anxieux, ce sont les moyens et les comportements que vous avez adoptés pour y faire face qui sont inefficaces et qui le maintienne. C’est donc sur les pensées irrationnelles, les comportements d’évitement et les compulsions qu’il faut travailler si on veut s’en sortir ! De nombreuses études ont démontré l’efficacité de la thérapie cognitive-béhaviorale, seule ou en combinaison avec de la médication, dans le traitement des troubles anxieux. Cette thérapie consiste notamment à affronter ses peurs de façon graduelle au lieu de les éviter. Alors, allez-y, exposez-vous!